L’IA a le pouvoir d’augmenter le potentiel de croissance des entreprises, mais son déploiement au sein des organisations nécessite des expertises métiers et technologiques fortes, ainsi que la mise en place d’une gouvernance data et IA dédiée. Explication avec trois experts du cabinet de conseil Artefact.
HEC Stories avec :
– Pascal Coggia (HEC 2009), Managing Partner, UK Lead
– Alexandre Thion de la Chaume (HEC 2008), Managing Partner, B2B Industry Lead
– Edouard de Mézerac (HEC 2006), Managing Partner, Global Industries Lead
Artefact fête ses 10 ans. Il y a dix ans, on parlait peu d’IA. Avez-vous été pionniers sur ce sujet ?
Edouard de Mézerac : En effet, nous avons été pionniers. Le premier pari d’Artefact a été de penser que l’explosion des données allait révolutionner le marketing. À l’époque, de grands groupes comme Samsung ou Carrefour disposaient d’une multitude de données clients, mais n’étaient pas en mesure de les exploiter correctement. Nous les avons accompagnés pour collecter, structurer et analyser cette data et ainsi leur apporter une connaissance plus fine de leurs consommateurs. Ce travail méthodique, mené main dans la main avec nos équipes d’ingénierie, de data scientists, data analysts et développeurs logiciels, a été la clé de notre succès, que nous avons ensuite reproduit sur tous les corps de métiers : la vente, le manufacturing, la supply chain, la R&D ou les départements support.
Alexandre Thion de la Chaume : Très tôt, nous avons proposé des approches verticales, par secteur d’activité. Les usages de l’IA dans la pharmacie, la banque ou le retail sont en effet spécifiques. À titre d’exemple, l’IA permet d’optimiser les achats dans l’industrie, de mieux gérer les risques ou d’établir des plans de maintenance prédictive dans les usines. L’IA peut également être mise en œuvre sur des sujets de logistique ou d’approvisionnement
Pascal Coggia : Il y a dix ans, la data et l’IA étaient des sujets réservés aux experts avec une montée en charge des fonctions de chief digital et data officers. Aujourd’hui, l’IA est devenue une problématique partagée dans toute l’entreprise. Son adoption par l’ensemble des employés est un enjeu crucial pour rester dans la course. Les technologies d’IA génératives notamment sont devenues très populaires depuis le lancement de ChatGPT. Pour rester à la pointe, nous avons créé il y a deux ans un centre de recherche dédié à l’IA pour faire le pont entre la recherche académique et le business. Il est fondé sur un partenariat entre de grandes universités et des clients d’Artefact.
Qui sont vos clients et qu’attendent-ils quand ils font appel à vous ?
Edouard de Mézerac : Artefact s’adresse principalement à des entreprises Fortune 500, dans tous secteurs d’activité. Aujourd’hui, Artefact est l’un des rares cabinets de conseil sur ce secteur à avoir réussi son internationalisation. Sachant que nos clients raisonnent pour la plupart à une échelle globale, nous pouvons leur apporter à la fois une proximité de service grâce à nos 27 bureaux dans le monde et une compréhension culturelle unique. Notre intervention peut d’abord passer par une mission d’acculturation et d’idéation à travers des hackathons et des workshops. Notre travail consiste ensuite à écrire une stratégie IA et data en fonction des besoins du client. Vient enfin le développement et la mise en place de ces solutions concrètes à travers des modèles éprouvés, comme notre AI Factory.
Alexandre Thion de la Chaume : Nous sensibilisons d’abord les Comex au fait que la gouvernance de la donnée est un prérequis au déploiement d’une stratégie IA cohérente. Une fois ces fondations et une organisation solide mises en place, nous priorisons et développons ensemble les cas d’usage avec chacun des métiers en fonction de leur capacité à créer de la valeur. Notre rôle est aussi de travailler avec les équipes IT de nos clients pour apporter une recommandation technologique.
Pascal Coggia : Le cas le plus classique est un Comex, challengé par son board pour mettre en place une stratégie IA ambitieuse. Mais depuis un an, la demande vient aussi d’en bas, de ceux qui utilisent ChatGPT chez eux et se demandent comment l’IA pourrait impacter positivement leur métier. L’une des forces d’Artefact est de maîtriser la technologie et de savoir comment vulgariser l’IA, embarquer les équipes, insuffler cette transformation.
Quels défis êtes-vous amenés à relever pour vos clients ?
Edouard de Mézerac : Le challenge le plus récurrent est d’améliorer la collecte et la qualité de la data. Dans beaucoup d’entreprises, les données sont peu accessibles, souvent basées sur des référentiels différents selon les pays ou les divisions. Nos clients ont gagné en maturité sur ces questions, mais ils ont encore des besoins, non seulement technologiques mais aussi en termes d’accompagnement au changement, de gouvernance et d’industrialisation des cas d’usage.
Alexandre Thion de la Chaume : Un autre défi est d’aider nos clients à identifier les cas d’usage qui peuvent leur apporter de la valeur, avec un réel impact métier à court et moyen terme. Il s’agit d’avoir une bonne appréciation du retour sur investissement, en fonction des contraintes techniques, de la disponibilité et de la maturité des équipes. Sur ce point, c’est la richesse de notre expérience qui fait la différence.
Pascal Coggia : L’un des freins, souvent sous-estimé, au déploiement de ces technologies est l’humain. Nous faisons en sorte que les fonctions métiers puissent travailler à la fois avec les équipes data & IA et les départements techniques et IT. À vrai dire, c’est moins la technologie qui pose problème que la nécessité d’opérer des changements organisationnels. Faire appel à une société externe facilite grandement ces évolutions. L’IA est avant tout une révolution qui passe par les hommes. Le lancement de l’Artefact School of Data répond à cette nécessité des entreprises d’acculturer et former leurs équipes à l’IA. L’école d’Artefact propose de multiples formats pour faciliter cette adoption, des plateformes d’e-learning pour tous à des sessions expertes sur les dernières innovations technologiques. L’objectif est de démocratiser ces sujets.
A-t-on raison de croire que l’IA est la clé de la croissance des entreprises ?
Alexandre Thion de la Chaume : Il y a beaucoup d’attentes autour de l’IA, mais il faut bien comprendre que l’intelligence artificielle est un accélérateur, pas une baguette magique. Intégrer de l’IA dans sa transformation permet d’optimiser certains processus (ventes,
marketing, supply, R&D…) et de décupler l’efficacité opérationnelle, mais cela nécessite une certaine expertise, ainsi qu’une transformation longue et une adoption réussie.
Edouard de Mézerac : Il y a en effet deux extrêmes à éviter : le premier est de dire « l’IA, ce n’est pas pour moi », et le deuxième de croire que l’IA peut faire des miracles. Notre travail est d’établir une feuille de route réaliste et adaptée pour chacun de nos clients.